En fin d’année 2024, BoD et Lire Magazine se sont associés pour vous proposer sur Instagram un concours d’écriture sur le thème de l’esprit de Noël !
Le thème du concours
Il s’agissait d’aborder la thématique de l’esprit de Noël au travers d’une fiction, d’un poème, du récit d’un souvenir marquant, ou même de pensées sur cette fête si particulière.
Les gagnant·e·s
Nous avons eu beaucoup de plaisir à découvrir vos écrits sur le thème de l’esprit de Noël et la sélection de trois textes n’a pas été aisée !
Voici les gagnant·e·s sélectionné·e·s par notre jury :
- Marie Beautemps et son texte « Des moutons dans le désert »
- Max Angely et son texte « La petite mouche de Noël »
- Catherine Ledu et son texte « Mon chéri »
Il s’agit de trois nouvelles qui nous ont particulièrement plu par la qualité de leur style, leur originalité ou encore leur chute.
Félicitations aux 3 auteur·rice·s ! Ils/elles remportent chacune un atelier d’écriture au choix parmi ceux proposés par Lire Magazine (d’une valeur de 99 €) pour parfaire leur plume, ainsi qu’une formule BoD Publication (d’une valeur de 39 €) pour publier leur livre en auto-édition 🎁
Vous pouvez découvrir les textes gagnants ci-dessous. Bonne lecture !
« Des moutons dans le désert », de Marie Beautemps
Une année, à Noël, sur les bords de la Manche, des moutons se retrouvèrent dans le désert.
Le père avait décidé que pour une fois, il s’occuperait de la crèche et que l’enfant Jésus ne naîtrait pas dans une étable mais sous une tente khaïma. Il revenait d’un périple dans le Sahara et gardait un souvenir plein d’étoiles de cette nuit dans un campement touareg en plein milieu du désert.
La petite sautait de joie, sans savoir vraiment de quoi il retournait !
Emmitouflés, le père et l’enfant descendirent sur la plage avec les seaux et les pelles ranimés de l’été, pour chercher du sable sec, ce qui était en soi une quête difficile : en Bretagne l’air est toujours humide, surtout au mois de décembre.
Les doigts tout engourdis, ils prirent le sable sur le haut de la plage et la couche du dessus la plus fine possible qu’il fallut quand même faire sécher devant le poêle en rentrant.
Ils étendirent le sable sec sur du papier rocher, et le père monta la tente avec un morceau de toile bleue et quelques bouts de bois. Il mit de gros cailloux pour les rochers du Hoggar tandis que la petite dégageait les santons du papier de soie qui les protégeait. On installa la Vierge et St Joseph qui étaient trop occupés à préparer la naissance de leur fils pour se rendre compte du changement de décor. Le bœuf, de mauvaise humeur, cherchait en vain la paille, et l’âne, à l’aise sur tous les continents, se coucha sur le flanc pour se reposer du voyage. Les moutons se figèrent sur le sable et celui qui était perché sur les épaules du berger resserra son étreinte, on les sentait mécontents de se retrouver dans le désert, avec pour seule nourriture quelques touffes desséchées d’une herbe trop amère. Il fut impossible de les éparpiller sur le décor, on les retrouvait toujours regroupés en troupeau.
Le lendemain la petite se leva tôt, elle alla sur la pointe des pieds dans le salon pour regarder si tout se passait bien sous la tente et les alentours. Tous dormaient encore paisiblement, seuls le bœuf, les yeux dans le vague ruminait l’herbe sèche mais elle vit le regard désespéré du berger : les moutons avaient tous disparu.
L’enfant regarda derrière les branches et les pierres du décor, rien ! Pas de mouton !
La crèche était vide. Sans âme. Il manquait la douceur et la bienveillance de Noël dont le bœuf et l’âne était bien incapables.
Elle regarda s’ils n’étaient pas tombés sur le tapis, et soudain, elle remarqua de minuscules traces, juste quelques fils un peu aplatis, presque rien, mais qui filaient dans le même sens. La petite fille, à plat ventre, suivit la piste, mais arrivée sur le parquet, aucune trace des petits sabots secs, rien sur le carrelage de l’entrée non plus. Déconcertée elle s’assit sur le paillasson, perplexe, quand elle aperçut, accroché à la chatière, un minuscule flocon de laine.
Elle ouvrit la porte, inspecta le jardin et vit, sous l’arbre, à côté du massif de roses de Noël, le groupe de moutons dormant sur la mousse tendre.
Alors la fillette les mit tous délicatement dans le creux de ses mains sur le petit morceau de mousse.
Elle les installa doucement à côté de la tente sur la mousse tendre. Le berger rassuré s’assit à leur côté, le bœuf arrêta de mâcher et la Vierge sourit. Tout était prêt maintenant pour l’arrivée du bébé.
« La petite mouche de Noël », de Max Angely
« Qu’est-ce que l’esprit de Noël sinon un jour comme les autres ? » se demande avec tristesse la petite mouche chassée de toute part, été comme hiver, de château en garçonnière, d’orteil en auriculaire.
Jamais elle n’est autorisée à s’éterniser sur une miette abandonnée de toast grillé saveur canard.
Jamais les coussinets de ses pattes ne peuvent prétendre à s’engluer sur le gras d’un filet de saumon fumé.
Jamais au grand jamais une main tendue pour la petite mouche, même le soir de Noël !
Seules les poubelles lui sont fidèles. C’est d’un goût !
Mais ce soir il fait froid. Très froid. Et les couvercles sont fermés. Les lumières des décorations de la maison brillent de mille feux et les invités sont attablés pour festoyer.
Seul un petit garçon paraît s’ennuyer en bout de table, aux côtés d’une très vieille dame à la pinte de bière moussante qui sourit sans s’arrêter tout en essayant de mâcher tant bien que mal un toast au faux caviar rouge vif.
« Bzz ! Cela a l’air drôlement bon ! » se dit la petite mouche gourmande en se dirigeant vers ce festin éclatant.
Au détour d’un virage, elle évite de justesse le gros pouce de Tonton Gérard qui raconte encore la même histoire drôle avec des grands gestes exagérés.
Miracle ! Tel un parachute, un grain de caviar s’échappe de la bouche trop pressée d’en finir : c’est le moment ou jamais d’effectuer un sauvetage en plein air ! Dans un bzz de compétition, notre petite mouche fonce sur son objectif. Alléluia ! Dans une trajectoire en sourire, elle passe sous le menton de mémé, manque de tomber dans la mousse de la bière pendant que le grain festif échoue directement sur sa tête.
Oups, c’est un peu lourd, mais mouchette tient bon, tellement heureuse pour un instant de faire partie de la famille ! Elle va pouvoir se poser dans un coin pour célébrer Noël comme tout le monde ici.
Tout à coup elle freine de tout son saoul : un barrage s’est érigé devant elle. Deux grosses billes inquisitrices la somment de les regarder. Il s’agit du petit garçon qui vient de lui faire un mur avec ses mains et qui ne cligne même pas des yeux tellement il est curieux de ce qui se passe. Elle est prise au piège. Cependant les mains ne l’empêchent pas vraiment de s’enfuir. Le poids du grain de caviar l’oblige à descendre au rez-de-chaussée et voilà notre petite mouche posée sur le bord de l’assiette blanche du petit homme. Elle est foutue. La magie de Noël n’aura duré qu’un court instant.
« Tu es la mouche Noël ? Je connaissais le Papa Noël mais c’est tout ! »
De ses nombreux yeux performants, mouchette aperçoit son reflet dans la pupille enfantine : elle a une barbichette blanche et un chapeau rouge sur la tête.
« Tu es drôlement jolie, je vais t’appeler…
— Tim ! Arrête de jouer avec cette mouche, c’est sale ! »
De justesse, mouchette évite la main baladeuse destinée à écourter son existence pendant qu’elle entend Tim chuchoter : « Viens te cacher dans mon oreille Moumou Noël, il y fait chaud et tu ne manqueras de rien ! »
C’est ainsi que Moumou Noël passa le plus beau Noël de sa vie, à l’abri des reproches et des gens moches.
L’histoire ne dit pas si elle y resta jusqu’au nouvel an, mais en attendant, l’esprit de Noël opéra ce soir-là sans embûche !
« Mon chéri », de Catherine Ledu
Il en aurait pleuré. C’est que le mois de décembre lui rappelait avec une violente mélancolie la joie des fastes passés. Les lieux étaient déserts. Il ne restait plus que lui. Son vêtement était rabougri, il ne luisait plus comme autrefois. Quand il fêtait Noël avec ses semblables, et que rien ne pouvait contenir son émoi. Le vide semblait encore hanté par l’écho des chants de la nativité, mais plus rien, à part ses souvenirs, ne pouvait ressusciter l’étincelante gaieté des fêtes oubliées.
« Il fallait voir combien c’était coloré » se lamentait-il. « Du rouge, du doré, du vert sapin… Les décorations, les robes en satin… Tout rayonnait, ondulant sous les reflets des chandeliers. Il y avait des bougies par milliers. » Il se maudit d’avoir connu tant de félicité. Elle rendait sa peine d’autant plus abyssale. « Je me délectais, sans connaître la cruauté d’en être privé, des éclats de rire, des baisers de minuit, des parfums de mandarine mêlés aux plus douces des mélodies. »
Il ne riait plus, n’embrassait plus, ne sentait plus, n’entendait plus. Quelques fois même, lorsque la solitude se faisait la plus amère, il sentait presque son être durcir comme de la pierre.
Et pourtant, il priait qu’on lui épargnât cette ordalie d’un Noël passé sans les siens. Qu’on l’emmenât auprès d’eux, qu’on ne le laissât pas sans rien. « Ô ! Que j’aimerais qu’on se délecte de ma présence. Rien qu’une fois. Une ultime fois. Que l’on goûte ma compagnie comme un merveilleux champagne ! Que l’on s’arrache mon cœur comme un trésor que l’on gagne ! ». Hélas, ses suppliques ne pouvaient émouvoir les sols stériles de la prison qu’il appelait autrefois maison.
Toute l’aimable compagnie qu’il conviait jadis avait accompli sa destinée. Ils étaient partis un à un, emportant avec eux l’éclat de leur sourire, et la chaleur de leurs haleines avinées. Lui, avait eu le malheur de se voir décrépir. Il craquelait, il croulait. Sa peau collait à son habit, pelure dont les couleurs semblaient passées depuis l’empire.
Qu’il jubilait jadis, à l’idée des cadeaux entassés. Pensez, combien il était empli de fierté, à faire ainsi le bonheur des enfants et de leurs parents, émerveillés sous le sapin tout décoré. Qu’il admirait quand les bambins, découvrant que le père Noël était passé, se précipitaient voir leurs chaussons, les yeux écarquillés.
Qu’il aimait voir les grands-parents assaillir les boîtes de chocolat à peine déballées, tels des jeunes premiers. Oui, il se serait volontiers dépouillé de ses guenilles pour revoir le spectacle de ces mains usées, lesquelles, avec une adresse retrouvée, ôtaient vite les papillotes de leurs liqueurs favorites. Il pensait avec nostalgie au frissonnement du papier chiffonné, à la musique sourde de la gourmandise croquée. Au sucre tranchant l’âpre dureté de l’hiver.
Il pensait au bon temps de naguère.
Quand soudain, la lumière, et un grand cri : « Margot ! Ne mange pas ce vieux machin ! »
Trop tard. La petite fille avait plongé la main dans la boîte de gourmandises vieillotte, et défait la papillote. Ce faisant, elle mit fin à l’infortune du chocolat, oublié depuis maintenant presque onze mois et demi. Il craqua avec bonheur sous la dent de lait, et aux creux du goût de l’interdit, coula retrouver les autres Mon chéri.
Nous espérons que ces textes vous ont procuré un bon moment de lecture ! Quel est votre préféré ? Dites-le-nous dans l’espace commentaires.
Peut-être renouvellerons-nous l’expérience en 2025 si le cœur vous en dit. D’ici-là, vous pouvez retrouver davantage de concours d’écriture et appels à textes sur notre article de blog dédié !
Coup de cœur pour « la petite mouche de Noël », c’est surprenant, drôle, tout en étant presque réaliste, on s’y croirait ! J’adore
Merci pour votre commentaire, nous sommes ravis que la lecture vous ait plu !
j’ai adoré la petite mouche de Noël, pour sa très belle écriture, fluide et entraînante.
j’ai aimé la fraîcheur de ce conte et son imaginaire débordant.
Merci pour votre commentaire, nous sommes ravis que la lecture vous ait plu !
J’ai aaadoré la petite mouche de Noël !!! Du décalé revigorant…
Oui, ce texte nous a beaucoup plus aussi ! 🙂
Bien à vous,
Caroline