Écrire un livre pour enfants : comment déterminer l’âge cible ?

Découvrez dans cet article comment mieux connaître vos jeunes lecteur·rice·s et leurs attentes selon leur âge. En bonus, une interview exclusive de Corinne Vonaesch !

10.03.2022 · Caroline Ricciardi Écrire

Déterminer à quelle tranche d’âge un livre s’adresse n’est pas une mince affaire. Surtout lorsque l’on écrit pour les enfants ! Pourtant, c’est essentiel pour le marketing de votre livre. En effet, nous vous avons déjà expliqué comment mieux comprendre son lectorat avec la technique des personas

Peut-être avez-vous déjà dû demander conseil à votre libraire pour trouver un livre à votre neveu qui a 8 ans et votre nièce adolescente dont vous ne connaissez pas vraiment les centres d’intérêts. En effet, ce n’est pas forcément évident de s’y retrouver parmi les très nombreux ouvrages qui s’adressent à un jeune public. Il arrive également que des livres pour enfants auto-édités ne trouvent pas leur public car ils ne sont pas forcément adaptés à la tranche d’âge ciblée initialement.

Nous avons donc souhaité vous donner dans cet article quelques éclaircissements à ce sujet. Et pour l’occasion, nous avons invité l’autrice indépendante Corinne Vonaesch à nous partager son expérience. Ses projets et conseils sauront peut-être vous éclairer et vous inspirer. En espérant que la littérature jeunesse et ses lecteur·rice·s n’aient plus de secret pour vous à la fin de cette lecture !

Qu’est-ce que la littérature jeunesse ?

Les livres pour enfants ne sont pas aussi vieux qu’on peut le penser. Par le passé, les enfants qui recevaient une éducation lisaient les grands classiques dès le plus jeune âge. C’est à partir du XIXe siècle que les éditeurs commencent à s’intéresser à la jeunesse comme un public à proprement parler.

Par exemple, ce n’est qu’en 1856 que Louis Hachette proposa à la comtesse de Ségur de publier Les Malheurs de Sophie dans la fameuse Bibliothèque rose que l’on connaît encore aujourd’hui. 

Les éditeurs en ont profité d’ailleurs pour ajouter à ce moment-là une touche artistique : les images. Ces illustrations sont aujourd’hui caractéristiques des livres pour enfants.

La créativité dans ce secteur n’a pas de limites ! En effet, les genres se visitent et se revisitent, s’adaptent de la littérature générale et invitent à jouer avec les mots et les images. En d’autres termes, on trouve de tout en jeunesse.

Le lectorat « jeunesse », c’est quoi ?

La plupart des éditeurs ne précisent pas l’âge de lecture sur leurs livres pour ne pas catégoriser les plus jeunes. L’idée est également de ne pas limiter l’accès à la littérature. Pour cela, ils préféreront parfois l’expression « à partir de » pour donner seulement un repère aux acheteur·euse·s.

Le public jeune est large et il faut bien bien cibler à qui on s’adresse : on ne lit pas la même chose à 1 an qu’à 18 ans ! Ensuite, les acheteur·euse·s – généralement les adultes – peuvent avoir des attentes sur ce que va apporter le livre à l’enfant.

Par exemple, on trouve des livres documentaires, éducatifs ou de découverte, de loisirs créatifs et d’activités… et même des romans et des albums illustrés.

Le format que vous choisissez peut jouer sur l’idée que s’en fera votre audience. Car en effet, un album illustré est souvent considéré comme un livre pour les petits. Alors que certains sont très bien documentés et s’adressent aux 10-12 ans. 

Et puis, il existe un public adulte pour les livres jeunesse. Qu’il s’agisse de beaux albums documentaires ou de romans young adult. Ce public n’est pas à négliger non plus.

Comment cibler la bonne tranche d’âge ?

Si on devait définir la littérature jeunesse en une phrase, ce serait « aider les jeunes à grandir et progresser dans la vie ». 

En effet, les tout-petits ont besoin de développer leurs sens et de s’éveiller au monde. C’est pourquoi on trouve des livres sonores, des livres pop-up ou des imagiers. 

Il en va de même pour les adolescents, qui ont besoin de repères pour se construire en tant qu’individus en s’identifiant à des personnages de roman qui les inspirent.

Les tranches d’âge

Dans son livre Tout sur la littérature jeunesse, Sophie Van Der Linden répartit les livres jeunesse en 8 catégories correspondant chacune à une tranche d’âge :

  • Les albums pour les tout-petits de 0 à 18 mois
  • Les premières histoires de 18 mois à 3 ans
  • L’histoire lue en entier de 3 à 5 ans
  • Les débuts de l’autonomie dans la lecture de 5 à 7 ans
  • La lecture seul·e de 7 à 9 ans
  • La découverte du loisir de la lecture de 9 à 12 ans
  • L’adolescence et ses choix en genre littéraire de 12 à 14 ans
  • L’émancipation littéraire et la construction personnelle : 14 ans et plus

Quelles incidences sur la publication de votre livre pour enfants ?

Un autre moyen de savoir à quelle tranche d’âge s’adresse votre projet de livre est de se renseigner sur les différents niveaux de lecture. Si l’on schématise, trois niveaux différents se dégagent :

La lecture assistée

Jusqu’à 5-6 ans, l’enfant ne sait pas encore lire. De ce fait, c’est l’adulte qui fait la lecture aux tout-petits.

L’enfant écoute attentivement et s’intéresse généralement en même temps aux images, aux couleurs, aux textures, etc. Le temps d’attention est d’ailleurs compté à cet âge. C’est pourquoi on préfère des livres courts (entre 15 et 20 pages), avec beaucoup d’illustrations et des phrases courtes. Les mots employés doivent également être simples et refléter le quotidien de leur âge. Par exemple, on commence à apprendre le bruit des animaux vers l’âge de 10 mois.

Bien sûr, lorsque l’enfant atteint l’âge de 5 ans, les pages peuvent comporter un peu plus de texte (environ 4 à 6 lignes). Privilégiez l’emploi du passé pour décrire et ne dépassez pas 10 mots par phrase.

Il est donc conseillé de publier des imagiers, des albums ou encore des livres d’éveil pour cette tranche d’âge.

La leçon de lecture

Les enfants apprennent à lire lorsqu’ils·elles entrent en classe de cours préparatoire (CP). L’apprentissage s’étale généralement de l’âge de 6 à 8 ans.

Pour cet âge, on retrouve les albums (ou textes illustrés), les livres documentaires et les romans de premières lectures. Ces derniers ont souvent recours à des astuces visuelles pour faciliter la lecture. Par exemple, les voyelles peuvent apparaître d’une certaine couleur ou être mises en gras.

Quoi qu’il en soit, lors de la mise en page de votre livre, pensez à adapter la taille de la police d’écriture pour qu’elle soit facilement lisible. Les livres peuvent compter plus de pages que pour les tout-petits : 20 à 40 pages environ. Il est conseillé de toujours insérer des illustrations pour capter l’attention de votre public. Un ratio d’une illustration toutes les deux pages est idéal.

Si le sujet de l’apprentissage de la lecture vous intéresse, sachez que vous pouvez également publier un livre pour les enfants dyslexiques qui ont des besoins spécifiques – d’aide à la lecture notamment.

La lecture en solo

Ça y est, l’enfant sait lire. Cette partie est plus compliqué à aborder, puisqu’un enfant de 8 ans ne lit pas comme un adolescent de 17 ans. D’autant que les goûts changent. En grandissant, l’enfant commence à apprécier différents genres de lecture.

Si l’enfant est encore en primaire (jusqu’à 11 ans), vous pouvez aborder des thèmes tels que la famille, l’école, l’amitié, les enquêtes, etc. Les livres sont un peu plus longs désormais : entre 60 et 120 pages, soit jusqu’à 16 000 mots. Pensez à découper votre histoire en courts chapitres.

Arrive ensuite l’adolescence, et l’ouverture de tous les possibles. C’est à cette période que les jeunes lecteur·rice·s forgent leur personnalité, leur identité. Ils vont donc lire des sujets qui leur plaisent ou qui dont écho à leur représentation de la société.

On troque les imagiers pour principalement des romans, des livres documentaires illustrés, des bandes-dessinées et des mangas, et même des livres jeux comme le célèbre Où est Charlie ? ou encore les escape game qui font fureur en ce moment.

Malgré leurs couvertures branchées, les romans pour ados peuvent ressembler à ceux pour adultes du point de vue du format ou de la longueur du texte. Toutefois, pensez à toujours adapter votre style à l’âge de votre public et de garder à l’idée que votre histoire doit les accompagner à grandir. Le vocabulaire employé est plus riche que celui des romans pour enfants et vos jeunes lecteur·rice·s sont désormais autonomes pour rechercher les mots qu’ils·elles ne connaissent pas.

Une interview de l’autrice et illustratrice Corinne Vonaesch

Un grand merci à Corinne Vonaesch d’avoir accepté de répondre à nos questions. Elle nous raconte son parcours d’autrice-illustratrice, et nous en dit plus sur l’élaboration de ses projets de livres pour enfants L’hypersensibilité, quoi comment ? et Un petit vélo dans ma tête, qui ont rencontré un grand succès depuis leur parution en 2020 et 2021.

Si vous souhaitez en savoir plus sur Corinne, vous pouvez la retrouver sur Facebook et sur son site Internet. Retrouvez également ses livres jeunesse sur la librairie de BoD.

Bonjour Corinne, pouvez-vous nous expliquer votre métier d’autrice indépendante ?

« Bonjour ! C’est un métier qui part d’une envie, celle d’écrire un livre pour enfants sur le thème de l’hypersensibilité et de faire moi-même les illustrations du livre. L’écriture est venue ensuite, et à chaque étape, je me suis rendu compte que c’était moi qui les réaliserais le mieux, afin d’aboutir au produit fini souhaité. J’ai donc illustré, écrit et réalisé la mise en page moi-même. J’ai demandé de l’aide pour la relecture afin d’avoir un regard extérieur et quelques conseils. Et aussi pour que le texte soit sans faute et sans erreur, autant en terme d’écriture que de contenu thématique. »

Pourquoi ce sujet ? Pourquoi écrire des livres pour enfants ?

« L’hypersensibilité est un sujet qui me tient à cœur et que je connais très bien. Je sais aussi qu’il peut rencontrer un lectorat. Et j’ai écrit le livre que j’aurais aimé pouvoir lire avec mes filles lorsqu’elles étaient petites. 

Je voulais partir d’illustrations et proposer un livre illustré pour la jeunesse, en particulier un livre pour enfants sur l’hypersensibilité. Voyant que la plupart des livres sur cette thématique étaient adressés à des adultes et qu’il n’y avait rien pour les enfants, je me suis lancée. »

À quelle tranche d’âge s’adressent vos livres ?

« À des enfants de 6 à 10 ans ainsi qu’à leur parents, en lecture commune. »

Comment avez-vous déterminé l’âge cible de vos livres ?

« Je suis enseignante et je connais les niveaux de lecture des enfants. Mais l’âge de lecture reste difficile à déterminer, surtout pour une histoire qui se veut didactique. C’est pour cette raison que j’encourage les parents à lire le livre en lecture commune avec leur enfant. »

Quel conseil donneriez-vous aux auteur·rice·s de BoD qui souhaitent écrire un livre pour enfants ?

« J’ai suivi mon inspiration et mon envie. Ensuite, il faut être exigeant avec soi-même et réaliser le livre avec beaucoup de soin. Et jusqu’à la finalisation, chercher à améliorer chaque détail et chaque imperfection. C’est bien aussi de chercher quelques lecteurs avant l’édition du livre pour avoir un regard extérieur, mais pas trop tôt dans le processus créatif, pour garder une cohérence propre à l’auteur. »

Merci pour votre lecture ! Et vous, est-ce que vous parvenez à cibler l’âge de lecture de votre livre ?

Autrice

Caroline Ricciardi

Rédactrice web et graphiste en freelance, Caroline est passionnée par le monde du livre et de l’entrepreneuriat. Elle apprécie écrire des articles pour BoD et vous transmettre les informations qui vous donneront un petit coup de pouce pour progresser dans votre projet.

Plus d’articles

Sources étudiées pour la rédaction de cet article :

VAN DER LINDEN, Sophie, Tout sur la littérature jeunesse : de la petite enfance aux jeunes adultes, Gallimard Jeunesse (2021)

Interview de Maïté par Maëlle-Cultura Community manager, Devenir libraire jeunesse : un métier qui fait rêver, [consulté le 22 février 2022 à l’URL : ici]

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