Quand les muses se mettent en bande organisée – La force créatrice du collectif

Qui a dit qu'écrire de la poésie était une activité solitaire ? Nous aborderons dans ce cours l'écriture collaborative.

04.04.2025 · BoD Écrire

Vous pensiez que la poésie, c’était un truc de poète solitaire, enfermé dans sa tour d’ivoire ? Détrompez-vous !

Cette semaine, on vous propose de redécouvrir la poésie sous un angle totalement différent : celui de la collaboration. Imaginez un peu : plusieurs cerveaux qui fusionnent, plusieurs plumes qui s’entremêlent, le tout pour donner naissance à des vers aussi surprenants qu’inattendus.

Préparez-vous à des fous rires, des débats enflammés et peut-être même à quelques disputes amicales. Car oui, écrire à plusieurs, c’est un peu comme cuisiner à plusieurs : ça peut donner lieu à de véritables chefs-d’œuvre, mais aussi à quelques catastrophes culinaires.

Alors, prêts à relever le défi ? Pour se faire, j’ai contacté deux autrices qui écrivent beaucoup ensemble. Vous les connaissez probablement si vous lisez de la poésie *roulements de tambours* : Léa Jeunesse et Célia Saïph !

Elles ont commencé en 2019 à écrire ensemble des jeux de rôle. Depuis, elles se sont essayé aux romans, mais ont aussi publié des recueils épistolaires ainsi qu’un recueil de poésie !

Le recueil de poésie de Léa Jeunesse et Célia Saïph paru aux éditions Robert Laffont en 2023.

Pour ma part, ça m’est arrivé deux ou trois fois d’écrire des poèmes à 4 mains. Mais j’avoue que des livres entiers, jamais. Et l’organisation me questionnait !

Les secrets de leur duo poétique

S’organiser pour écrire à deux

Au fil des questions que je leur ai posées, Léa me dit : « On écrit des textes sur le thème choisi, chacune de son côté. Parfois, Célia commence des phrases qu’elle n’arrive pas à conclure et je le fais à sa place, et inversement. Généralement, l’autre a toujours la solution à notre problème ou blocage. »

Célia complète ses propos : « Pour les épistolaires, en général il y a peu d’organisation : l’une de nous envoie un mail en incarnant son personnage, et l’autre répond avec son autre personnage. On découvre nos personnages au fil des lettres et si jamais on a besoin d’une précision importante, on s’en informe, mais sinon on découvre au fil de l’eau ce qu’il se passe. Pour les recueils de poésie, on pose les bases, les idées ensemble, souvent par téléphone, et ensuite on écrit sur ce qui nous inspire le plus. On repasse sur les textes de l’autre, on rallonge si besoin, etc. » 

L’union fait la force et c’est bien ce que nous prouve ce binôme ! À deux, la créativité est décuplée, les idées fusent, le soutien est infaillible. La complémentarité est indispensable, il faut alors impérativement bien choisir son binôme.

Le partenaire d’écriture idéal

Célia nous donne quelques qualités indispensable que doit avoir un partenaire d’écriture : « La communication et l’écoute, parce que c’est important d’être à l’aise avec ses idées, de pouvoir être libre de dire ce que l’on pense. C’est comme ça que l’on avance et que l’on peut construire de belles choses. Mais aussi l’esprit critique : il faut savoir se remettre en question, prendre d’autres chemins, trouver des solutions. Et surtout, l’imagination ! C’est important que la dynamique des deux soit équilibrée, que les deux apportent leur univers, idées et avis ! » 

Allier le professionnel et le personnel

En dehors du fait qu’elles sont collègues, Célia et Léa sont aussi des amies. Le professionnel et le personnel peuvent ne pas faire bon ménage, j’en ai parfois fait les frais. Il est certain qu’il vaut mieux ne pas courir le risque : perdre une amitié pour le professionnel en vaut-il la chandelle ? Je n’en suis pas certaine, même si je suis la première à ne pas écouter mes propres conseils ! 

Célia explique à ce propos : « Il faut cadrer tout ce qui est professionnel, niveau rémunération et implication de chacun. Quitte à se faire des contrats : on n’est jamais à l’abri et il vaut mieux protéger les personnes impliquées dans l’écriture pour ne jamais avoir de mauvaises surprises. (..) Ensuite, c’est assez naturel d’allier les deux, quand les centres d’intérêts se rejoignent et que les idées se complètent. Avant que ce soit un travail, c’est une passion partagée entre deux personnes, et l’amitié en découle forcément. »

Léa renchérit : « Je ne pourrais pas écrire avec quelqu’un qui n’est pas mon ami·e. (…) L’écriture c’est avant tout une passion, je ne peux pas partager ma passion (qui conduit à un projet) sans être ami·e avec la personne. L’écriture, ça nous bouleverse, ça nous rapproche. Je ne sais pas comment on ne pourrait pas être amies en traversant les océans que se révèle être le monde de l’écriture. »

Le processus d’écriture collaborative

Maintenant qu’elles nous ont éclairées sur leur organisation, parlons d’aspects plus techniques. Comment font-elles pour écrire à deux, concrètement ? 

Léa nous explique : « On utilise Google Docs, c’est pratique pour partager le même écran, pour écrire toutes les deux en même temps, et voir ce que l’autre fait. Pour les échanges épistolaires, il nous arrive de les écrire par mails, ça aide pour le côté immersif. »

Google Docs a sauvé mes dossiers de groupe quand j’étais étudiante ! Ce qui est pratique, c’est aussi la sauvegarde et le fait d’y avoir accès quel que soit le support. Même sans ordinateur sous la main, on peut écrire depuis une tablette ou sur téléphone grâce à l’application. Sans compter qu’on peut voir en temps réel les actions des autres membres avec lesquels le manuscrit est partagé. 

Regarder ensemble dans la même direction

Enfin, mon besoin de contrôle m’a poussée à leur poser une dernière question. Quand j’écris, je sais généralement quelle sera la thématique abordée, ou du moins l’émotion qui m’ouvre la voie. Mais à deux, comment aiguiller notre partenaire dans la direction où l’on souhaite aller ? Comment faire pour que l’une ne prenne pas un chemin différent de celui que l’on avait imaginé ? 

Célia me répond la première : « Ce qui nous aide beaucoup sur ce point-là, c’est que généralement, on a chacune nos personnages. Que ce soit dans les épistolaires, les romans, et même dans certains cas la poésie, comme c’est le cas pour notre recueil à venir, on incarne toujours chacune des voix distinctes qui ont leurs propres  vécus et ressentis. Ça nous permet de ne pas empiéter sur ce que veut écrire l’autre, et de ne pas non plus se censurer dans ses propres mots ! Et si c’est plus général, et qu’on n’a pas deux voix distinctes, si une thématique nous parle, on écrit dessus. Justement, puisqu’on écrit à deux, nos avis divergents peuvent aussi faire notre richesse ! Il suffit dans ces moments-là de réfléchir au meilleur moyen de les mettre en avant. » 

Léa complète : « Célia a les mots que je n’ai pas et je suppose que parfois, j’ai aussi ceux qu’elle ne trouve pas. Si on écrit ensemble, c’est qu’on est complémentaires. Que ce soit dans la poésie ou l’écriture de romans. (…) Et puis, surtout, on a des idées qui se complètent. C’est super pour écrire à deux. »  

En conclusion, le bon partenaire est la clef d’un manuscrit à succès ! 

Le poète de la semaine

Federico García Lorca nous rappelle la force de l’union : « La poésie est la voix des poètes, et chaque voix compte ». Trouvez des alliés dans votre cheminement créatif !

L’atelier créatif

La semaine prochaine, j’aborderai la thématique de la vulnérabilité. Et plus concrètement, nous parlerons de ce qui parfois nous empêche de nous exposer au grand public, la peur du jugement, ce que nos proches penseront en nous lisant.

Alors, pour l’exercice d’aujourd’hui, je vous propose d’écrire une lettre à une ou toutes les personnes pour qui vous vous restreignez. Sans pour autant la leur donner ! Ici, je veux que vous compreniez surtout pourquoi vous avez cette démarche de rester dans l’ombre de leurs avis.

Autrice

Sabine Blin

Née en 1999, Sabine Blin est passionnée d’écriture depuis son plus jeune âge. Elle publie ses écrits sur les réseaux sociaux depuis son adolescence et trouve rapidement refuge dans les mots. En 2023, elle auto-édite son premier recueil « Dessine un soleil de tes maux », puis quelques mois plus tard, « Sous nos étoiles » voit le jour.

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